1 avr. 2013
1 avr. 2013
Adiu, adiu, la mèr’ Camus.
Mingez vos û a ch’coin d’vou fu,
O barrez vos écales à vous oujons,
Ils vous pondront des grous étrons
P’r aminder vous parc à z’ognons.
Adieu, adieu, la mère Camus.
Mangez vos oeufs au coin de votre feu,
et donner les écailles à vos oies.
Elles vous pondront des gros étrons
Pour amender votre parc d’oignons.
Quête de Pâques
Boubers sur Canche (62), 1931
Roulez jeunesse !
Sur les places des marchés sont revenus les camions chargés de caisses remplies de poussins, poules, canettes ou oisons, remplaçant les fermières qui amenaient autrefois au marché aux volailles le surplus de la basse-cour destiné à la vente. Mais l'usage reste : avec le printemps, il est temps de remettre en ordre la basse-cour, chés glaines profitent de l'allongement des journées, de quelques degrés de plus, recommencent à pondre. Les rayons des supermarchés , les étals de confiseurs se sont remplis d’innombrables œufs et sujets chocolatés …
Difficile de dire à quand remonte la coutume des œufs de Pâques… Ce n’est qu’en 1565 que le début de l’année, qui débutait jusqu’alors le lundi de Pâques, Pâques-Neuve, fut déplacé au 1er janvier. Les œufs colorés et offerts témoigneraient-ils d'anciennes traditions d'étrennes ? Ils sont en tout cas liés au renouveau et à la vie… On les offrait à Bacchus, pendant les bacchanales de printemps, ils sont toujours présents à la table de Norouz, la fête du Nouveau jour, à l’équinoxe de Printemps, et célébrée en Iran depuis plus de 3700 ans, sur le plateau de la Pâque juive, teints en rouge et richement ornés dans les cérémonies de Pâques orthodoxes…
« Alléluia du fond du cœur/n’oubliez pas les enfants de chœur/ Un jour viendra/Dieu vous l’rendra/Alléluia !”chantent les enfants de choeur (Doullennais, 1959), « Alléluia Martin s'in va/ din sin garnier/ cacher des rats/Ch'est pas pour li/Ch'est pour sin cat/ Alleluia !" (Touraine). Crécelle (écalette à Cavron Saint Martin et dans le Ternois, tictac à Bouin Plumoison...) à la main et panier à l’autre, les jeunes garcons parcourent les rues des villages et les chemins menant aux fermes, occasion d'un vacarme qui se substitue aux cloches silencieuses durant les trois jours du triduum pascal, et qui semble vouloir chasser les esprits néfastes des ténèbres.
Durant cette période, ce sont des centaines d'oeufs que les garçons rassemblent... Ils sont mangés lors de repas pris en commun, en énormes omelettes, le lundi de Pâques. Ils deviennent aussi sujets de jeux, occasion de montrer sa force, son adresse, et tout comme les pratiques de dénichage, d’acquérir sa place dans la communauté : "dans les Vosges, autrefois les jeunes gens avaient leurs poches remplies d'œufs durs, et lorsqu'ils se rencontraient avant la messe, ils se défiaient. Tout œuf brisé devenait la propriété de celui qui l'avait mis en cet état sans endommager le sien. Les malins se servaient d'œufs pondus à la Saint Jean, le seul jour de l'année où les poules pondent des œufs dont la coquille peut résister à tous les chocs. En Wallonie, un des joueurs tient son œuf serré dans son poing, le bout pointu (bètch) dépassant seul ; l'autre heurte l'œuf de son adversaire avec le bec du sien. Celui dont l'œuf est entamé le retourne et le serre dans la main de façon à ne laisser accessible que le bout arrondi, dit le cul ; celui qui a réussi à bec contre bec joue alors à bec contre cul. Quelquefois comme en Touraine, on se contente de les faire rouler dans les prairies, ou, comme en Belgique, à les jeter en l'air dans les prés ..." (Paul Sébillot, Le Folklore de France).
Appelée pocage en Picardie, roulées en Champagne, pâquerets en Normandie, la quête concernait à l’origine les maréchaux, charrons, bourreliers, menuisiers, facteurs… Tout comme dans le Ternois les indigents ou les cachemanées, les garçons meuniers, avant de disparaître il y a une cinquantaine d’années… Sorte de “tournée d’étrennes”, c’est aussi une quête initiatique d'oeufs blancs, mangés ensemble lors d'un repas de fête, d'oeufs colorés par les mères, les soeurs ou les fiancées et offerts comme autant de porte-bonheur. La marque du passage à la belle saison, et le gage d'une année généreuse.
Bonnes gens allez vous coucher, et nous irons ailleurs chanter.
Nous prierons le grand saint Mathieu que vos poules pondent de bons œufs.
Nous prierons le grand saint Bernard que vos poules soient préservées des renards. (Réveillez - Cantal).
A écouter
Chants de Réveillez. Agence musicale des Territoires d’Auvergne
Réveillez Brayauds. 2011
Une fois dans un village. Odette Gatignol. Collectage, 1986.
Chants de quête de la période de Pâques (extraits). Compagnie Chez Bousca. Occora Radio France, 1989.
Réveillez-vous (extrait du concert). La camedra delle Lacrime. 2011
A lire :
D’ù qu’is sont ches ués d’Pâques. Jeangabelou, 2009
Manger en chrétien. Bibliothèque nationale de France
Teintures naturelles pour les oeufs
http://www.beskid.com/pisanki.html
à regarder
Le Combat de Carnaval et de Carême. Pieter Brueghel l'Ancien, 1559
Le marché aux volailles d'Egreville. INA, 1995
Bonus
Chronique d’oeuf. Sans nom, sans date.
Histoire d’oeufs. Titanio, 2011.