A courir sur le pavé, mes souliers se sont troués...
A courir sur le pavé, mes souliers se sont troués...
La douceur de l’été est encore perceptible, mais les ombres se font plus longues et les toiles d’araignées sont couvertes de rosée au petit matin. Ca sent la rentrée des classes. Grignotant le temps estival de vacance, des enseignes de grande distribution ont placardé dès juillet son cartable vaut encore 10 euros. Une campagne de pub qui rend désuète l’idée d’un cartable accompagnant longuement la scolarité… Porter à recoudre son cartable au cordonnier à la fin de l'année scolaire, en faire changer la poignée ou une fermeture faisaient partie du rite de fin d’année scolaire, tout comme le ressemelage des chaussures avant la rentrée, ou la pose de fers ou talonnettes sur les souliers achetés pour être habillé de neuf et qui devaient durer…
Si la réparation des chaussures est aujourd’hui l’activité du seul cordonnier, la profession des chaussures de cuir est structurée au Moyen-Age en corporations autrement définies : le cordonnier ou cordouannier fabrique les chaussures en corduan (cuir de Cordou), le savetier, lui, répare souliers et bottes ; une séparation qui va perdurer durant des siècles. S’il partage avec le cordonnier nombre d’outils, le statut du savetier est moins valorisé : chés chav’tiers, à ch’t’heure un dirot chés coronniers in vieux…(Dictionnaire du Patois de la Flandre française). Sorlets… vieux ! c’est le cri du savetier lillois qui parcourt les rues pour trouver à racommoder les vieilles chaussures, et qui peste contre un urbanisme qui fait disparaître sa modeste échoppe : Les torttoir’ ont fait du ravache/Aussi pou ch’vieux chav’tier, queu r’gret !/I n’a pus pour faire s’n ouvrache,/Eun’ biell’ cave avec un burguet (l’vieux chav’tier - Alexandre Desrousseaux). Avec la production industrielle et l’arrivée des matières synthétiques disparait la spécialisation, et avec elle nombre d’enseignes, échoppes et artisans. La fabrication artisanale, sur mesure, devient objet de luxe, domaine du bottier, les cordonniers assurant maintenant la réparation des souliers.
Et sans être soudard, qui sait, avec tous ses outils, il pourrait blesser... Je lui ai demandé si elle voulait se marier/Non, non, répondit-elle, pas avec un cordonnier/Avec son alène il pourrai me piquer/Avec son aiguille il pourrait m’enfiler/Avec son braies il pourrait me coller chante-t-on au Canada .
Ah ! Pas facile de trouver chaussure à son pied, dit le proverbe… Et pas facile de séduire, même en utilisant son savoir-faire ! La belle ne se laisse pas facilement convaincre... Petit cordonnier t´es bête/ Qu´est-ce que t´as donc dans la tête ?/Crois-tu que mon cœur s´achète/ Avec une paire de souliers ? Mais le cordonnier sait utiliser son charme : Mais à peine la belle avait-elle fait trois pas/ Que ses p'tits souliers furent ensorcelés/ Elle se mit à tourner comme une toupie déréglée. Ainsi, il saura gagner le cœur de la belle…
A écouter :
Les semelles, chansons de Lionel Daunais. Yves Lambert. Le petit chien de laine. La montagne secrète, 2005.
The Cobbler. Tommy Makem
J’ai tant dansé. Carmen Campagne. Nous sommes les musiciens. La montagne secrète, 2007
Aux marches du Palais. Germaine Sablon. Succès et raretés 1932-1939.
Le p’tit cordonnier. Les chauffeurs à pieds. Déjeuner canadien, 2004
Dondaine la Ridaine. Le rêve du Diable, 1976
Le Savetier et le Financier, de Jean de La Fontaine. Fernandel. Le Petit Ménestrel, 2008
L’ensemble du collectage effectué par l’association Marie Grauette en 1978 est téléchargeable sur le site Mémoires du Folk en Nord Pas de Calais
A lire
Lionel Daunais (biographie). Centre de Musique Canadienne, Vitrine des compositeurs
Histoire des Cordonniers. Bibliothèque de Travail. Mouvement pédagogique Célestin Freinet, 1948
La Saint Crépin, fête des cordonniers. Marcel Bayart. L’Abeille de la Ternoise, 2010
Pourquoi l’on tient à la vie. Léon Tolstoï. Scènes de la Vie Russe
Des cordonniers très politiques. Eric Hobsbawm, William Wallach Scott. Revue d’histoire contemporaine, 5/2006
Bonus
The Thief and the Cobbler (V.O). Richard Williams. 1993
1 sept. 2013
Je suis maître cordonnier
Le métier est honorable
Que de gagner ses deniers
A chausser l’contribuable
Quand je tape sur mon cuir
Je chante une chansonnette
Tout en m’offrant le plaisir
D’avaler des clous sans tête.
Cogne, cogne, cogne, top, top, top,
Coupons tiges et empeignes,
Cogne, cogne, cogne, top, top, top,
Clouons semelles et talons.
La Chanson du maitre cordonnier
Lionel Donnais (1949) - à écouter ici