Eclairons nos lanternes
Eclairons nos lanternes
Les jours vont diminuant, la lumière se fait plus rare… Ches fleurs is vont s' déféner. Ches apes is s' défeull'nt . V'lo l' mon'mint d' s'arcueiller su l' tompe d' chés-lo qui sont défunqu'tés.
La fête celtique de Samain, qui existait voici plus de 2500 ans est rebaptisée Halloween après que le pape Grégoire IV eût introduit en 837, la Toussaint, fixée au 1er novembre. Adoptée par les Gaulois, Samain marquait pour les peuples celtes le début de l’année nouvelle, et constituait un moment privilégié de communication entre monde visible et invisible. Les feux éteints, puis rallumés rituellement, symbolisaient ce passage.
Pâleur, froideur, hibou, l’oiseau de nuit annonciateur de la mort chez les Romains, houx, dont les piquants ont la vertu d'écarter les sortilèges (Claude Sébillot)… La Chanson du Spectre de Victor Hugo comporte de nombreux symboles évocateurs de la mort et d’une rencontre possible avec un au-delà chère aux spirites. Souvent traduit par La Femme en blanc, le tableau ci-contre porte comme titre original Die Weisse Frau, littéralement « la dame blanche », un des spectres féminins les plus courants, que l’on retrouve jusqu'au Canada, tantôt fée, revenante ou lavandière de nuit. Les fabliaux du Moyen-Age content la capacité qu’avaient les fées sylvestres à se transformer en biche blanche, pour attirer et perdre les chasseurs. Dans la chanson médiévale Celles qui vont au bois, la jeune Marguerite, victime d’un sort qui la fait fille le jour et la nuit blanche biche, est abattue par Renaud, son frère chasseur (Bretagne). Une version collectée en Lorraine reprend le thème de façon encore plus tragique, puisque la mère de Marguerite aime mieux y faire sa parure que d'y sauver la vie de sa pauvre fille...
Chés batteux , c’était le nom donné dans le Ternois aux spectres armés d’un fléau, battent sur la route des gerbes invisibles, empêchant les voyageurs de passer, revenants condamnés à errer pour avoir violé le repos dominical. Mais dans la chanson traditionnelle, les revenants peuvent aussi être bien vivants. Les guerres durent longtemps, et se déroulent parfois à des milliers de kilomètres. Il n’est donc pas étonnant de croire le fils, le fiancé ou le mari morts, après des années sans nouvelles. On comprend l’effroi de ces femmes au retour de ces véritables “revenants-vivants” : A c’matin j’étais veuve, A c’soir j’ai deux maris s’exclame ainsi la femme dans La Partance, tandis que dans Le Revenant, la mère, saisie d’effroi devant Simon son grand gars, qui r’vient du trépas, d’frayeur se v’là morte.
Mais l'attente du retour était le plus souvent effroyable pour la jeune fiancée : Mes soeurs ! voici les timbaliers !... /Elle dit, et sa vue errante /Plonge, hélas ! dans les rangs pressés /Puis, dans la foule indifférente/Elle tomba, froide et mourante.../Les timbaliers étaient passés (La fiancée du timbalier). Mais, même dans ce cas de douleur extrême, la morale ne permet pas le blasphème. Le bonheur est avec Wilhelm, et l’enfer sans lui ! Éteins-toi, flambeau de ma vie, éteins-toi dans l’horreur des ténèbres ! ose crier la jeune fiancée qui refuse d'accepter la mort de son amant, dans La Ballade de Lénore. A minuit un mystérieux cavalier qu'elle prend pour son amant vient la chercher et l'emmène à un train d'enfer : Les mort vont vite, dit-il. Le coursier noir se cabre , vomit des étincelles et disparaît dans les profondeurs de la terre...
C’est la saison où tout tombe/Aux coups redoublés des vents /Un vent qui vient de la tombe/Moissonne aussi les vivants :/Ils tombent alors par mille,/Comme la plume inutile/Que l’aigle abandonne aux airs,/Lorsque des plumes nouvelles/Viennent réchauffer ses ailes/À l’approche des hivers. (Pensées des morts). Pendant la saison sombre, les graines vont entrer en dormance, et nombre d’animaux s’installer dans leurs quartiers d’hiver. Notre pensée rationnelle pourra trouver là le temps d’un voyage entre croyances anciennes et coutumes, et une matière à réflexion sur notre volonté contemporaine d’occulter la mort.
A écouter :
La Chanson du Spectre. Sylvie Berger (La Bergère).
La Complainte de la Blanche Biche. Tri Yann.
Le Fantôme. Georges Brassens.
Ne chantez pas la mort. Léo Ferré, paroles Jean René Caussimon.
L’Ankou et le Forgeron. Anatole Braz.
A regarder :
Feu de la Saint Martin. Malmedi (Belgique), 2009.
La Dame Blanche. TV5 Monde, série Légendes Canadiennes.
La Dame Blanche. France 2 (série Légendes de France. INA, 2001).
Histoire de la Dame blanche. Association Mémoire et Patrimoine du Salignacois, 2014.
L’Ange du Bizarre. Exposition Le Romantisme noir de Goya à Max Ernst. Musée d’Orsay, 2013.
A lire :
El tins des pétrâbes. Christine Tombeur.
Quand qu’ech’ grand fauqueux i passe. Marcel Bayart. L’Abeille de la Ternoise, 2009.
Halloween : de coutume en culture. Réseau de diffusion des archives du Québec.
Lenore ou les morts vont vite. Gottfried August Burger, traduction Gérard de Nerval.
Les Aventures de La Mort et de Lao-Tseu. François Boucq. Fluide Glacial.
Bonus :
Halloween. Têtes à Claques TV.
Super Bonus, visible seulement jusqu’au 14 novembre 2013 :
Calacas. Spectacle du Théâtre Equestre Zingaro. Conception et mise en bière Bartabas. Aubervilliers.
1 nov. 2013
Vous avez bien froid la belle ;
Comment vous appelez-vous ?
Les amours et les yeux doux
De nos cercueils sont les clous.
Je suis la morte, dit-elle.
Cueillez la branche de houx.
Chanson du spectre-Victor Hugo (1855)
à écouter ici