Les aoûteux
Les aoûteux
La saison des foins s'achève. Il a fallu attendre que les orages venant du sud veuillent faire un détour pour aller vers d'autres horizons.
Travail dur des champs, il faut faire vite, l'herbe fauchée par les hommes est retournée sur plusieurs jours, le soleil fait aussi sa part de travail. Le temps est compté pour réussir les foins, cette "mangeaille aux bêtes" comme disait Gaston Couté, source de nourriture pour toute la longue période hivernale, quand l'herbe aura cessé de pousser et que les animaux seront rentrés à l'étable.
Les femmes profitent de cette période pour faire une des grandes buées annuelles, celle-ci sera particulière ... Les draps et les enveloppes de paillasses sont mis à sécher sur les éteules de foins coupés, ils bénéficient de la chaleur de la terre et se parfument de l'odeur des foins. Les effluves de pain d'épice se mêleront à la fraîcheur des draps et il fera bon s'endormir sur un matelas garni de paille nouvelle.
Après la fenaison débute le temps des moissons. Ce sont d'abord les escourgeons ou orges à six rangs, qui ont été semées à l'automne, puis les orges de printemps, à deux rangs et au cycle végétatif plus court. Ces dernières sont majoritairement cultivées pour la brasserie.
Pendant ce temps les blés finissent de mûrir au soleil d'Août, ce sera bientôt la grande moisson.
Jusqu'aux années cinquante, toute une population est aux champs pour la moisson. Les hommes en lignes, fauchent le blé à gestes précis et volontaires, les femmes suivent, ramassant par poignées, les javelles, qu’elles rassemblent ensuite et lient pour constituer les gerbes. En fin de journée, les enfants donnent le coup de main pour faire les cahots, tas réunissant une dizaine de ces gerbes en position verticale. Le travail sous le soleil est éreintant et la sieste ou "méridienne" après le repas de midi pris sur l'aire, permet de se refaire quelques forces, l'espace d'une heure, vite écoulée.
bien-aimée» (J’ai fait-z-une maîtresse - La Bamboche). Sens caché des paroles ou double sens, "ma caille", terme particulièrement affectueux, n'en est pas moins l'expression d'un piège amoureux que l'on posait aux jeunes filles, qui n’étaient pas dupes : «Quand tu tenais la caille au blé, galant, tu devais la plumer» (Le gibier d’amour, l’amoureux - Evelyne Girardon, Cie Beline)
Les gerbes des cahots seront chargées à la fourche sur des charriots puis acheminées à l'extrémité du champ pour réaliser ces chefs d'œuvre d'architecture paysanne que sont les meules ou moèes.
Destinées à l'alimentation des chevaux et des volailles, les avoines ainsi que le seigle sont les derniers à être moissonnés. De la Belgique à la Gascogne ou au Quebec, l’avoine (ou l’aveine) devient le sujet de multiples chansons à danser en rondes "morguées" (mimées) selon le sens donné par Thoinot Arbeau dans l'Orchésographie. « Qui veut ouïr, qui veut savoir comment on sème l’avoine » (Ballard, 1724), « Volez-v’ savu tot comme on sème l’avône » (Liège), ce répertoire de rondes-jeux était particulièrement prisé par la jeunesse en raison de la relative intimité que ces danses permettaient.
La fin des moissons, symbolisée par un "mai" accroché à la cime du dernier charriot rentré, est l'occasion de festivités où sont invités ouvriers et familles ayant participé au travail de la moisson."On met les petits plats dans les grands, la bonne bière blonde coule à flots, dans les verres ; on se régale des bonnes gaufres bien croustillantes et saupoudrées de castonnade que la fermière a préparées ; la bistouille suit et bien tard dans la soirée on chante en chœur autour de la table de famille, la joie d'avoir fini la moisson... Dans le Haut Pays, la fin de l'Août est fêtée par "ech parsoie" qui est la tripée du cochon". (Jean-Yves Vincent / Au Rythme des fléaux - Promenade dans les cours de fermes des collines d'Artois au plat-pays / Mémoires collectives, Westhoek-Editions 1982).
à lire : La moisson, les «aoûteux». Georges Dubosc, Le Journal de Rouen, 31/07/1898. B.M Lisieux
à écouter : En revenant des foins - La Bolduc
à écouter : Le gibier d’amour. Evelyne Girardon. Believe, 2005
à écouter : Bela Calha. Mont-Joia, Cant e musica de provenca. 1975
à écouter : Avoine. La Chiffonie. Anthologie de la Chanson Française, Chansons de métiers. Believe, 2005
à écouter : Le reel des foins. La Veillée est jeune, vol.1, plage 8
à lire : Les draps sèchent sur le foin. Gaston Couté
à regarder : Julien Dupré (1851- 1910) - Catalogue raisonné- RSH Gallery
Le Chariot de foin - Jérome Bosch
La Fenaison - La Moisson - Pieter Brueghel (1525-1569)
à regarder : Les moissons - Cinémathèque Albert Kahn, sans date.
à regarder : Les Glaneurs et la Glaneuse. Agnès Varda. Cine Tamaris, 1999
1 août 2012
Devant les moissonneurs qui couchent les épis de blés, perdrix et cailles quittent leurs gîtes de paille et vont vite chercher d'autres refuges. "Année de paille, année de caille", "plus la caille carcaille, plus chères sont les semailles". Son chant "lancinant" scande le travail des faucheurs. Les chansons traditionnelles autour de la caille, quelles que soient les régions, montrent la dimension symbolique de cet oiseau dans les campagnes : « Si tu te fais abeille pour me baiser, je me ferai la caille volant aux blés / si tu te fais la caille volant aux blés, je m’ferai renard pour te croquer» (Les Transformations - Malicorne), «Si tu t'y fais la caille dedans le blé, si tu t'y fais la caille, je m'y ferai l'ami du moissonnier / moissonnerai le coeur de ma