Blanchir régulièrement ne veut pas dire souvent. La grande buée avait lieu 2 à 3 fois par an, ce qui supposait une provision de linge importante, ou qu’on n’en changeât pas souvent, c’était fonction de l’aisance de chacun... Une opération pour laquelle l’entraide familiale, exclusivement féminine ou l’appel à des journalières est de mise, et qui dure au minimum 3 jours. Après la journée de trempage et de décrassage sommaire en baquet ou au lavoir, c’est le lessivage, la lessive à la cendre dans le grand cuvier, une opération longue, pénible et dangereuse puisqu’il faut faire chauffer l’eau et la verser à plusieurs reprises sur le cuvier. La cendre, soigneusement tamisée, riche en carbonate de potasse, remplace le couteux savon. Le lendemain, c’est le frottage, le battage et rinçage du linge, au rythme des coups de brosses et de battoirs. Au fond du cuvier où l’on sème/parmi l’eau la cendre du four/ Que mon linge de bohème/Repose durant tout un jour (Gaston Couté - Jour de lessive). Puis l’étendage, le blanchiment, le pliage…

Comme les puits, les mares ou les ruisseaux, les lavoirs présentent un danger pour les enfants. Alors, on leur raconte mille histoires d’animaux ou d’êtres redoutables, pour les dissuader de s’en approcher. Les hommes non plus ne se risquent pas au lavoir… la crainte de s’attirer une répartie cinglante des lavandières pourrait être suffisante. Mais les lavoirs font peur pour une autre raison, celle d’y croiser le soir les « lavandières de nuit », dont les histoires hantent les lavoirs de Bretagne, d’Irlande, en d’Ecosse, mais aussi du Berry, de Normandie ou du Languedoc ou de Galice. Êtres malfaisants, elles cassent les bras des malheureux qu’elles sollicitent pour tordre les draps qu’elles lavent, elles les précipitent dans l’eau ; malheur à celui dont elles prennent des nouvelles, sa mort est alors annoncée. On dit aussi que, mères infanticides, elle sont condamnées à laver sans fin les langes des enfants morts : Enfant du rêve / Ce lambeau c’est ton cœur / Dans l’eau de la douleur / Nous le plongeons sans trêve… (Les lavandières – Augusta Holmès, 1885).