Que fleurissent les aubépines...
Que fleurissent les aubépines...
Mai est fêté comme mois du renouveau depuis bien longtemps. C’est le mois où la nature reprend vie, où toute la végétation se gonfle d’une montée de sève faisant éclore la frondaison des arbres. C’est le mois de Maia, la déesse de la fécondité de la Rome antique. C’est celui de Beltaine, le 1er du mois, fête qui marque le renouveau chez les Celtes, pendant laquelle on allumait de grands feux purificateurs et protecteurs pour le bétail. C’est le passage de la saison sombre à celle de la lumière. C’est Floreal, le mois des fleurs, nom que lui donnèrent les révolutionnaires de 1792.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la tradition des «Mais», arbres ébranchés ou gros bouquets de feuillages, rassemblés par les jeunes hommes durant la nuit du 30 avril au 1er mai. Décorés parfois de fleurs et rubans, les mais étaient installés aux portes ou sous les fenêtres des jeunes filles du village, participant à un cycle de courtoisie où la symbolique avait toute sa place. On garde le plus beau mai pour la demeure de la jeune fille aimée, et la nature du mai déposé est porteur d’un message que la pudeur, ou le «bon usage» ne permet pas d’énoncer directement :
un moai d'épeine : ej'vous estime (un mai d'épine, je vous estime ...)
un moai d'lilas : al'restera là (un de lilas, elle restera là ...)
un moai d'chrigier : al'est boène à marier (un mai de cerisier, elle est
bonne à marier ...)
un moai d'saul' : al'est ansaut (un mai de saule, elle est enceinte ...)
un moai d'séhut ; al'pue (un mai de sureau, elle pue ...)
témoignent du langage caché des «Mais» de Picardie.
Un article de la revue Histoire (lien) consacré au «joli mois de mai»
relate que la coutume d’esmayer les filles était déjà pratiquée au
début du XIII°siècle, l’installation d’un mai jugé injurieux provoquant
parfois des querelles et des rixes. Ainsi, les archives pénales de la région
d’Amiens de 1367 relatent qu’une jeune fille s’est plainte qu’on ait posé
sur sa maison une branche de seur (sureau), et «qu’elle n’était femme à
qui l’on dût faire tels esmayements ni telle dérision et qu’elle n’était pas
puante, ainsi que ledit signifiait».
Rite partie prenante des préliminaires d’un mariage à venir, mais dont la croyance interdit la réalisation en mai («mariages de mai ne fleurissent jamais»), rite social marquant amitiés et antipathies, rite d’ appropriation de la communauté masculine sur la communauté féminine du même village, la tradition du Mai se retrouve dans toutes les régions, et dans de nombreux pays d’Europe.
C’est avec son Mai d’aubépine à la main que le 1er Mai 1891, la jeune Maria Blondeau, âgée de 18 ans, retrouve ses amis de la filature sur la place de Fourmies (59). Venue réclamer la journée de 8 heures de travail, elle tombe sous les balles des fusils Lebel, comme 9 autres âges de 11 à 30 ans. La place de la filature où elle travaillait, aujourd’hui transformée en écomusée, porte son nom.
à regarder : Fête flamande avec ronde autour de l’arbre de mai. Anonyme, d’après Cléve Martin I Van. 16°siècle (Musée de Beaux Arts de Caen)
à écouter et regarder : le Mai de Clérieux. Gabriel Yacoub, Sylvie Berger (Gand, 2009).
à écouter et regarder : Voilà le joli mois de mai. Sylvie Berger ( La Bergère), Aurélie Dorzée, Gilles Chabenat (Festival Het Lindenboom , Loon Plage, 2011).
à regarder er à écouter : La maïada. Chanson du Limousin interprétée par Bernard Enxon.
à écouter : Lo prumièr de mai. La Talvera. Poble Mon Poble. La Talvera/Cordae, 2008.
à écouter : Les douzes mois de l’année. Emmanuelle Parrenin. Chansons rituelles,
Anthologie de la Chanson Française.
à écouter : Maria Blondeau. Mauresca. Cooperativa. 2010.
à regarder : Les Enfants du marais, avec Jacques Villeret (Henri Pignol dit Riton) et
Jacques Gamblin (Garris) - Réal Jean Becker (1999).
à lire : Le joli mois de mai, Nicole Belmont. Revue l’Histoire n°1, mai 1978.
1 mai 2012
Le Mai de Clérieux
C’est dans le joli moi de mai
Que les galants plantent le mai.
J’en planterai un à ma mie...