V'là l' printemps !
V'là l' printemps !
On n’èst vormint è meu d’avri k’ine fèye k’on z’ôt l’cou-cou kèl dit (on n’est vraiment au mois d’avril qu’une fois qu’on entend le coucou qui le dit - Wallonie). Les sociétés traditionnelles qui vivaient au rythme des saisons, ont accumulé les dictons pour en marquer les changements. Les oiseaux y tiennent une place de choix. Au retour des beaux jours, c’est tout le petit peuple ailé qui prend place dans les proverbes et la chanson populaire.
Si l’hirondelle se voit refuser le privilège de faire le printemps, c’est le chant du coucou qui en est le témoin. Le prumèr d'abriu, le cocut torna, mòrt o viu (Occitanie), U cuccu S'ellu un canta lu diciottu O ellu hè persu o ellu hè mortu (Corse). Ponctuel au point d’être le nom emblématique de l’horloge, le coucou ne peut être que mort, s’il n’a pas chanté. Fabuleux coucou, qui comme le phénix, réapparait en même temps que le soleil. Prophéte, on lui demande combien d’années il nous reste à vivre : Cocou, Bolotou, Regaide su ton grand livre comben i a d’énées è vivre (Franche-Comté), et les filles l’interrogent sur la proximité de leur mariage : Coucou des villes, coucou des bois, combé ai-z’y d’années à mé maria ? (Deux Sèvres)...
Dotés de la faculté de voler, de faire le lien entre terre et ciel , les oiseaux sont les rois de la métaphore. Et en cette saison de montée de sève... quelle plus belle métaphore à servir que celle de l’amour ? L’alouette et le pinson ont voulu se marier... La croyance populaire fixe les fiançailles des oiseaux à la saint Blaise, la saint Valentin, la saint Matthias ou la saint Joseph... des dates clés du calendrier de Carnaval : Blaise, patron des souffles, Valentin, marieur des oiseaux, Matthias fêté le jour où en Roumanie on célèbre Dragobertele, divinité du panthéon balkanique chargée du mariage des oiseaux, Joseph, fêté à l’équinoxe de printemps...
L’aloete eyet l’pinchon il ont volu s’marier à deûs ... c’est ce que chantaient aussi les jeunes du Borinage (Belgique) lors des fêtes de l’Alyon. Tombées en désuétude à la fin du 19° siècle, il ne reste de ces fêtes que quelques chansons collectées. Durant tout le carême, les jeunes des corons organisaient des festivités : quête d’oeufs et de bois à brûler, cortèges, fabrication par les femmes d’un mahoumét, représentation humaine en pâte faite d’oeufs d’eau et de farine, promenée en procession et gardée ensuite 6 semaines avant d’être mangée, en grande cérémonie. Une fête qui se terminait sur l’embrasement dans tous les corons de feux, au dessus desquels sautaient garçons et filles, et où les couples se déclaraient : Pou s’marier pindant l’anée, faut sauter pad’zeur eul feû. I faut fé in bon scouftâche tout-in s’pèrdant pau bras. Texte intégral là.pdf
à lire : Tina Jolas, «Les pierres aux oiseaux», Terrain n° 6 (Les hommes et le milieu naturel), 1986
à lire : Colette Méchin, «Du bon usage du coucou en hiver», Anthropozoologica, n°32, 2000
à écouter : : Cânta cucul de trei zile - Romica Puceanu - Muzica De Colectie
à lire : Romica Puceanu
à écouter : Azi e Dragobertele - Mariana Ionescu Càpitànescu
à écouter : L’alouette et le pinson - Jacques Douai - Héritage 1958-1963 (Universal, 2008)
à écouter : L’alouette et le pinson - Sarah Burnell Band - 2008
à écouter et à lire : Le Mèle e le maovie - Obrée Ali - Alment d’if - (Coop Breizh, 2000)
à regarder : L’engrenage - Réal : Cyril Cohen, Audrey Henneton, Virginie Kernel,
Hélène Ourabah, Martin Reneleau, Jérôme Rouvelet, Sylvain Sarradin, Jérémy
Soudjoukdjian, Marine Vaudour - (ESRA Supinfograph, 2007)
1 avr. 2012